Me Jean Paul MAZURIER recruté par les services secrets français en sa qualité d’avocat de Georges Ibrahim Abdallah

Par l'Ordre des Avocats d'Aix-en-Provence

En 1987 sort un livre confession de Jean-Paul Mazurier, avocat de Georges Ibrahim Abdallah, qui reconnait avoir été aux ordres des services secrets français1GALLY LAURENT - L'AGENT NOIR, PARIS, LAFFONT, 1987. Sur cette affaire, voici un extrait d'un article de l'Ordre des Avocats - Aix en Provence :

…. Dans une autre affaire qui, il n’y a pas si longtemps, a défrayé la chronique, un avocat parisien Me Jean Paul MAZURIER qui se nommera lui-même l’AGENT NOIR, avait été recruté par les services secrets français, pour, usant de sa qualité d’avocat de Georges Ibrahim Abdallah, leur fournir des informations à son sujet notamment en ce qui concernait ses relations et ses projets d’éventuels attentats.

C’est ainsi que Me MAZURIER put à la faveur de démarches qui lui avaient été confiées par son client et de confidences qu’il avait recueillies de celui-ci, transmettre aux services secrets, des informations qui avaient pour objet de prévenir des attentats et permettre l’arrestation de leurs organisateurs.

Torturé par sa conscience, du moins l’affirmait-il, Me MAZURIER se décida à avouer à son bâtonnier les turpitudes professionnelles qu’il avait commises : violation du secret professionnel, violation de son serment, comportement contraire à la loyauté, à la dignité, vénalité etc.…

Poursuivi devant le Conseil de Discipline qui fort curieusement n’avait pas retenu l’incrimination de violation du secret professionnel, Me MAZURIER fut radié du barreau.

La Cour d’Appel de PARIS ayant été saisie, constata tout d’abord non sans regret, que Me MAZURIER n’avait pas été poursuivi pour violation du secret professionnel mais fort curieusement aussi prononça une peine de trois ans d’interdiction d’exercer au lieu de la radiation (Arrêt du 27 AVRIL 1988).

Pour admettre en faveur de Me MAZURIER des circonstances atténuantes, la Cour avait considéré que le comportement de cet avocat tout aussi répréhensible qu’il fut avait peut être évité de sanglants attentats.

Me MAZURIER aurait pu se satisfaire d’une telle sanction qui en définitive était fort modérée ; il crut bon de demander le bénéfice de l’amnistie à la faveur de la loi du 20 JUILLET 1988 qui excluait pourtant de son application les faits contraires à l’honneur.

 Le Conseil de l’Ordre rejeta cette demande qui fut alors soumise à la Cour d’APPEL de PARIS , laquelle par arrêt du 22 Février 1989 confirma la décision ainsi rendue au motif suivant :

  • un avocat en méconnaissant les principes qui régissent la profession et les devoirs résultant de son serment, a trahi la confiance de celui dont il avait pris en charge la défense et dont il se devait de rester en permanence le confident nécessaire ; de tels faits sont contraires à l’honneur, ils ne sont donc pas couverts par les dispositions de l’article 14 de la loi du 20 Juillet 1988. ( GAZ.PAL. du 22 Août 1989 )

Que soutenait Me MAZURIER pour prétendre que les faits qu’il avait commis n’étaient pas contraires à l’honneur ?

Tout simplement qu’il avait certainement sauvé des vies humaines en renseignant les services secrets, ce qui d’ailleurs avait été reconnu, en d’autres termes par la Cour d’Appel de PARIS dans son arrêt du 27 AVRIL 1988.

N’avait-elle pas, en effet, réduit à trois années d’interdiction d’exercer la peine infligée en retenant à sa décharge les mobiles qui l’avaient amené à trahir sa mission de défense dans les circonstances exceptionnelles auxquelles il s’était trouvé confronté ?

Argument rejeté dans le nouvel arrêt du 22 Février 1989 qui maintenait donc que les faits, malgré les mobiles qui les avaient inspirés étaient bien contraires à l’honneur.

Il semble bien que la COUR ait surtout retenu que Me MAZURIER avait aliéné toute indépendance en étant un agent rémunéré des services secrets et que là était précisément l’atteinte à l’honneur.

Aussi peut-on se demander si l’appréciation sur la notion d’honneur eut été différente si Me MAZURIER n’avait pas été rémunéré et si obéissant à un élan de sa conscience ils avait dénoncé son client, violant ainsi de façon manifeste le secret professionnel auquel il était tenu.

N’aurait-il pas également dans cette hypothèse trahi la confiance de celui dont il avait pris la défense et dont il se devait de demeurer en permanence, selon la formule de la Cour de PARIS, le confident nécessaire ?

C’est là tout le problème des cas de conscience de l’avocat partagé entre deux notions impératives et contraires, le respect de ses obligations professionnelles d’une part et d’autre part l’obligation pénale ou morale d’éviter un évènement dont les conséquences peuvent être infiniment graves.

Source : http://www.barreau-aixenprovence.avocat.fr/profession_deontologie.htm?id=89

Notes

Notes
1 GALLY LAURENT - L'AGENT NOIR, PARIS, LAFFONT, 1987