Georges Abdallah dans le journal de l’Humanité

Journal de l'Humanité du jeudi 4 octobre 2018

 

 

 

 

Un article de Alain Raynal dans le quotidien de l’Humanité du jeudi 4 octobre 2018

POURQUOI CET ACHARNEMENT CONTRE ABDALLAH ?

Des personnalités de tous horizons réclament la libération du Libanais Georges Ibrahim Abdallah, « communiste et anti-impérialiste » incarcéré depuis trente-quatre ans.

Incarcéré sous le numéro d’écrou 2388/A221 au centre pénitentiaire de Lannemezan, situé au pied des Pyrénées, un homme entamera le 24 octobre sa trente-cinquième année de détention. Considéré comme le plus ancien prisonnier politique d’Europe, il est victime d’un acharnement politique et d’État quand on sait que, selon le droit français, il est libérable depuis 1999. Toutes les demandes de remise en liberté ont été rejetées. Un large mouvement d’opinion grandit en France pour sa libération grâce à la mobilisation de collectifs locaux, d’associations, de personnalités diverses et de parlementaires.

Georges Ibrahim Abdallah naît le 2 avril 1951 à Kobayat, au nord du Liban, dans une famille chrétienne maronite de neuf enfants. Instituteur jusqu’en 1979, il s’engage en faveur de la cause palestinienne dans le contexte de la guerre civile qui fait rage et des invasions de l’armée israélienne au sud du Liban.

Condamné à la perpétuité en 1987, sans peine de sûreté
Il contribue à la création de la Fraction armée révolutionnaire libanaise (Farl), qui se revendique communiste et anti-impérialiste. « Parce qu’il faut frapper l’ennemi partout où il se trouve », et que des assassinats politiques se multiplient de tous les côtés, ces fractions armées mènent en Europe des opérations qualifiées de « résistance » pour les uns ou de « terrorisme » pour les autres. C’est ainsi que, en janvier 1982, l’attaché militaire adjoint des États-Unis en France est abattu à Paris d’une balle dans la tête. Trois mois plus tard, c’est un diplomate israélien qui succombe à ses blessures. Tous deux auraient appartenu aux services de renseignements de la CIA et du Mossad.

Arrêté à Lyon le 29 octobre 1984, Georges Abdallah est condamné une première fois à quatre ans de prison pour détention d’arme et usage de faux papiers. Il est de nouveau jugé le 28 juillet 1987 pour complicité d’assassinat. La cour d’assises spéciale le condamne alors à la perpétuité, sans peine de sûreté.

Libérable depuis 1999, une dizaine de demandes de remise en liberté sont depuis restées vaines en raison des pressions des autorités américaines ou israéliennes. En 2003, par exemple, la juridiction régionale de Pau autorise sa libération, mais Dominique Perben, alors ministre de la Justice, s’y oppose. Lors d’une nouvelle requête introduite en 2013, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, aurait fait pression sur Laurent Fabius pour que cette demande n’aboutisse pas. Malgré des démarches diplomatiques, comme celle, en 2012, du premier ministre libanais, qualifiant son compatriote de « prisonnier politique », les autorités françaises restent sourdes.

Patron de la direction de la surveillance du territoire (DST) lors de l’arrestation de Georges Abdallah, le préfet Yves Bonnet dénonce dans une interview accordée le 7 janvier 2012 à la Dépêche ce qu’il qualifie de « vengeance d’État lamentable » à l’encontre du détenu. Aujourd’hui, des demandes de remise en liberté pour des raisons humanitaires et de justice viennent de tous horizons. Des personnalités comme le dessinateur Jacques Tardi, la militante féministe et anticolonialiste Françoise Vergès, l’évêque Mgr Gaillot s’engagent. De même, la Ligue pour les droits de l’homme, des partis de gauche et d’extrême gauche. Le député communiste André Chassaigne appuie cette démarche et demande dans une adresse à la garde des Sceaux que soit respectée l’indépendance de la justice. Un comité se met en place afin d’organiser un « tribunal d’opinion » chargé d’instruire l’affaire du maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah.

« C’est un homme toujours debout »
Celles et ceux qui peuvent rendre visite à Georges Abdallah ressortent tous impressionnés par la résistance et la personnalité du prisonnier. « C’est un homme debout, qui met un point d’honneur à se maintenir toujours en pleine forme physique et intellectuelle », témoigne la députée européenne Marie-Pierre Vieu après l’avoir rencontré à trois reprises depuis décembre 2017. « Il fait abstraction de sa situation personnelle, préférant échanger sur la situation en Syrie, au Moyen-Orient, sur les menaces qui pèsent en Europe et qui l’inquiètent énormément avec la poussée des extrêmes droites. » Marie-Pierre Vieu appelle une nouvelle fois le président de la République à « faire enfin œuvre de justice ».

Animateur du collectif des Hautes-Pyrénées, Daniel Larregola, qui se rend deux fois par mois à la prison, confirme l’état d’esprit lucide et combatif de Georges Abdallah en faveur des Palestiniens ou des migrants. « Levé très tôt chaque matin, il écoute les informations internationales aux radios, lit beaucoup la presse, dont l’Humanité et l’Humanité Dimanche, et consacre deux jours par semaine à répondre aux nombreux courriers qu’il reçoit en prison. » (1)

Georges Ibrahim Abdallah sera déclaré citoyen d’honneur, avec d’autres prisonniers politiques, lors de la Fête de l’Humanité des Hautes-Pyrénées les 6 et 7 octobre, à Soues. Une manifestation à l’appel des différents collectifs et soutiens est également en préparation pour le samedi 20 octobre, à partir de 14 heures, à la gare de Lannemezan.

(1) Pour lui écrire : Georges Ibrahim Abdallah. N° d’écrou 2388/A221. CP de Lannemezan. Rue des Saligues. BP 70166  65307 Lannemezan.

Alain Raynal

Jeudi, 4 Octobre, 2018