Ainsi une nouvelle agression israélienne vient de prendre pour cible le Liban.
Comme à l’accoutumée depuis plus d’un demi siècle, le bourreau se fait passer pour la victime. Le prétexte cette fois a été la capture de deux soldats israéliens, sur le territoire libanais, à la faveur d’un engagement militaire. Afin de criminaliser l’acte, on a immédiatement substitué le terme de kidnappés à celui de prisonniers, seul adéquat. Sans remonter à Ben Gourion et un fantasme de faire des chrétiens libanais des alliés tampons d’Israël, il faut rappeler que le plan de soumettre le Liban est ancien et qu’Ariel Sharon s’y était déjà illustré, avec sa marche sur Beyrouth, conclue par Sabra et Chatilla (1987). Aujourd’hui la stratégie israélienne s’inscrit clairement dans le plan des néocolons autour de Bush de jeter les bases d’un « Grand Moyen Orient », à la botte de l’impérialisme, c’est sa tâche de « rottweiler de l’Amérique » (Uri Avnery). Il s’agit d’assurer la main mise au moins jusqu’au fleuve Litani et pour cela anéantir le Hezbollah, ce qui serait, en outre, une revanche sur le lâchage humiliant du Liban du Sud pas « Tashal » en mai 2001.
A noter, par ailleurs, que l’attaque a été déclenchée à la veille de la signature par le Fatah et le Hamas d’un accord de gouvernement, à partir du document rédigé par les prisonniers palestiniens appartenant aux deux mouvements.
En à peine plus d’un mois, et comme en miroir de ce qui se passe en Afghanistan et en Irak, où l’exportation de la démocratie donne les résultats que l’on sait, le bilan a tout du massacre délibéré d’un pays : plus de 1100 tués, prés de 4000 blessés, pour la plupart civils, dont de nombreux enfants ; un million de réfugiés, soit le tiers environ de la population ; des villes et des villages rasés ; l’infrastructure détruite ; l’essentiel du réseau routier et 45 ponts, – qui auraient permis le passage de secours, 5 centrales électriques, – le bombardement de l’une d’entres elles ayant provoqué une marée noire sans précédent en Méditerranée ; 6500 entreprises, des écoles, des centres de santé… Crime de guerre serait-ce une qualification inconvenante ? Pendant ce temps, Olmert et sa clique d’ex-colombes, gardaient les mains libres en Palestine, la routine de la répression, – 200 morts et 800 blessés depuis fin juin, complétés par l’arrestation (on ne dit pas kidnapping) du président du Parlement, de ministres et de nombreux élus, qui rejoignaient ainsi les milliers d’incarcérés palestiniens et libanais. « Sionazisme » a pu écrire un périodiste Italien.
Du nouveau encore : on aurait aimé saluer ceux qui au sein de l’État israélien auraient élevé la voix contre une telle barbarie. Las, le temps de la gauche est fini. Elle a disparu. Au dernier carré de justes près, l’opinion accorde au soutien à plus de 80%, à son gouvernement, et, quand elle tombe à 30-35%, c’est uniquement parce que la victoire-éclair-zéro-mort annoncée ne s’est pas produite.
On ne s’étonnera donc pas si, à l’extérieur, lâcheté, complicité et soumission font le plein, et même un peu plus que d’habitude. Les chefs arabes, réunis, à Beyrouth, expriment leur solidarité (morale), une fois que les carottes sont presque cuites. La France, tant aimée au Proche-Orient, et aimant en retour ne serait-ce que pour les quelques 4 000 entreprises qu’elle possède dans son ancienne colonie, confie ses gesticulations à l’expert Douste-Blazy, et renforçant la collusion, nouée lors de l’assassinat de Rafic Hariri (sur lequel on attend toujours la lumière), avec les États-Unis, mobilise le Conseil de sécurité sur l’adoption de la résolution 1701, laquelle sous couvert de cesser le feu et de retour à la paix, reprend la 1559, qui avait permis aux deux compères « de travailler activement à faire émerger au Liban un pouvoir local favorable aux thèses américaines » (G. Corm), par la liquidation du mouvement « terroriste » du Hezbollah.
On ne s’étonnera donc pas si, à l’extérieur, lâcheté, complicité et soumission font le plein, et même un peu plus que d’habitude. Les chefs arabes, réunis, à Beyrouth, expriment leur solidarité (morale), une fois que les carottes sont presque cuites. La France, tant aimée au Proche-Orient, et aimant en retour ne serait-ce que pour les quelques 4 000 entreprises qu’elle possède dans son ancienne colonie, confie ses gesticulations à l’expert Douste-Blazy, et renforçant la collusion, nouée lors de l’assassinat de Rafic Hariri (sur lequel on attend toujours la lumière), avec les États-Unis, mobilise le Conseil de sécurité sur l’adoption de la résolution 1701, laquelle sous couvert de cesser le feu et de retour à la paix, reprend la 1559, qui avait permis aux deux compères « de travailler activement à faire émerger au Liban un pouvoir local favorable aux thèses américaines » (G. Corm), par la liquidation du mouvement « terroriste » du Hezbollah.
La communauté internationale, demeurée impavide devant le massacre, emboîte le pas. A la conférence de Rome, son représentant le plus autorisé, Kofi Anan, qui avait, le jour précédent, accusé Israël d’attaque délibérée contre l’ONU, à Cana, cède aux injonctions de Condoleeza Rice, et accepte les excuses cyniques de Tel Aviv.
Nos faiseurs d’opinion, de la presse écrite et audio-visuelle, ne sont pas en reste. Adhérant sans le dire à la thèse bushienne de « l’islamo-fascisme », ils assurent, avec une belle conviction, le service de la propagande sioniste : Israël a été attaqué, il se défend, mais sa réplique est « disproportionnée » ; déplorant les morts et les destructions « des deux côtés », on choisit celui qu’il faut plaindre, les combattants du Hezbollah sont des pleutres qui « se cachent » parmi la population (curieuse définition pour « mouvement populaire »), d’où les morts civils ; pourtant lesdits civils ont été généreusement, à chaque occasion, priés d’évacuer leurs maisons avant la pluie de divers missiles (NB dont des bombes au phosphore) ; une officine, Intelligence Online (du groupe français Le Monde), n’a pas craint d’affirmer (25.08.06) que Hassan Nasrallah, le Secrétaire général du Hezbollah, avait suivi durant plusieurs mois une formation payée par l’Iran, à Pyongyang…
Et le Hezbollah en effet, objet de toutes les opprobres – terroristes, agent de l’étranger, fasciste, au point que nombre de belles âmes de « gauche » (et d’extrême gauche), les ont repris à leur compte ? A ceux-là, les mêmes qui durant la « crise des banlieues » de novembre dernier, prodiguaient conseils et mise en garde aux « sauvageons », il convient de demander de quel droit ils se font les procureurs d’une résistance, à laquelle en vérité ils ne veulent rien entendre ? « Parti de Dieu », islamistes, donc pas progressistes, leur équation est simple.
Rappelons-leur, faute de pouvoir ici remonter le fil de l’histoire, que nous avons notre part de responsabilité devant ce phénomène qui s’étend bien au-delà du Liban. « Nous, – les communistes, les socialistes, les progressistes, les démocrates, les nationalistes, les laïcs et même les républicains, sous l’effet de l’après Bandoeng, c’est-à-dire de la conjugaison de nos erreurs et de nos échecs, des contre offensives impérialistes et de la mise en place de régimes réactionnaires empressés d’éliminer toute force oppositionnelle dans leurs pays, nous avons été vaincus. Or, la politique, comme la nature, a horreur du vide. Et les peuplent savent, le moment venu, puiser dans leurs réservent profondes l’énergie qui leur permettra de tenir debout. Les exemples en sont innombrables ; Au Proche-Orient, l’époque de l’OLP démocratique, laïque, égalitaire entre hommes et femmes, s’est estompée. Nous avons affaire à un véritable projet d’expulsion et d’extermination, en Palestine et au Liban indissociablement (au contraire de ce qu’on affirmait au Quai d’Orsay, dès le début du conflit), et qui peut d’étendre ailleurs, vers la Syrie et l’Iran, en attendant de plus longues distances. Ce projet a fait lever contre lui, une force qui est parvenue à lui tenir tête et même, comme chacun a pu le voir, à le mettre en grande difficulté. Le Hezbollah, répétons-le, est né dans une des périodes les plus dures de l’histoire contemporaine du Liban, précisément pour en finir avec l’occupation Israélienne. Majoritaire dans le pays, comme le sont les chiites, communauté de loin la moins bien lotie, il est depuis devenu un parti national, comptant ministres et députés, et se substituant à un État défaillant, il anime de multiples réseaux d’entraide et gère des écoles, ainsi que des hôpitaux. Face à l’agression de cet été, il a rallié les chrétiens autour du général Aoun, le Parti communiste (qu’il avait persécuté, dix ans auparavant) et d’autres forces nationalistes. Il a fait preuve du courage de ses militants et, comme autrefois les Vietnamiens, de sa maîtrise de la guérilla. Il est parvenu, dans un affrontement, pudiquement nommé par les polémologues « asymétrique », à infliger à « la quatrième armée du monde » les coups les plus inattendus : quelques dizaines de chars indestructibles détruits, un avion inaccessible abattu, un navire incoulable coulé, sans compter le feu d’artifice permanent des Katiouchas inlocalisables. Il a également réussi à empêcher, dans une nation aux idéntités communautaires fortes, l’éclatement d’une guerre civile que l’on cherche à provoquer ailleurs. Ce qui non seulement lui a valu, la solidarité, souvent active à ses cotés, d’une grande partie de la population, mais qui a également suscité une vague d’enthousiasme, chez tous les peuples du monde musulman, singulièrement ses proches voisins, pour la démonstration qui restait à faire, de si longue date : affronter avec succès l’adversaire commun. Ce n’est pas rien évidemment. Et les choses ne sont pas figées. Dans un des ses discours, Nasrallah se félicitait que des foules de jeunes, dans leurs manifestations en sa faveur, brandissent les portraits du Che et de Chavez (n.b. le seul chef d’État à avoir rappelé son ambassadeur). Les discussions sont ouvertes pour le changement de nom du parti et sa ligne politique future. S’il advenait que l’islamisation l’emporte, ce serait aux Libanais eux-mêmes de se prononcer. Certainement pas à nos procureurs en gants blancs. J’ajoute, tant ce genre d’argument a été utilisée par le matraquage médiatique, que les soutiens en finances et en armes de la part de la Syrie et de l’Iran, s’ils existent, ne sauraient rien avoir de choquant : pour ne pas parler, bien que l’oublient consciencieusement nos journaloïdes, de l’énorme masse de fric (un million de dollars lâchés, il y a quelques jours, par la Fondation Spielberg) et d’engins de guerre ultra sophistiqués qu’Israël reçoit depuis toujours des E.U. et qui lui donn(ai)ent en supériorité, rappelons simplement que le Vietnam heureusement avait bénéficié de l’aide soviétique et que les maquisards français des parachutages britanniques.
Et la FINUL alors ? Deux mots. Sa constitution, son nombre, sa présence et son rôle ont été salués comme un grand soulagement. La communauté internationale y récupérait sa bonne conscience malmenée. La France, plébiscitée par Tel Aviv d’enprendre la commandement, est désormais officiellement et complètement réconciliée avec la Maison Blanche, et, meiux encore, à la veille d’une élection présidentielle, Chirac réussit le tour de force d’obenir le consensus de la droite comme de la gauche, Parti communiste compris. Mais prenons garde, la résolution 1701/1559, l’unique jusqu’ici à recevoir le plein accord d’Israël, va entrer en application. Le désarmement du Hezbollah demeure à l’ordre du jour. Pour l’accomplir, les Casques bleus, véritable force d’occupation impérialiste, devront endosser l’uniforme de supplétif, chargé de « finir le travail » d’une « Tsahal » déconfite, qui pourra tranquillement se mettre à préparer, comme le veulent ses paranoïaques, le « second round ». Nullement renvoyé dans ses frontières, Israël conservera les territoires qu’il a annexés, -les fermes de Shebaa au Liban et ce morceau de Syrie, que personne n’évoque, le Golan. Tout recommencerait alors et les Palestiniens, laissés pour compte dans l’affaire, continueraient à encaisser. Ajoutons que, comme d’habitude aussi, nous, les européens, inclus donc les contribuables français, nous nous chargerons, en sus des coûts occasionnés par la présence militaire, de faire le ménage, en nettoyant par exemple les plages de la pollution pétrolière, de financer la reconstruction et l’assistance humanitaire, le casseur, dans la région, n’étant jamais le payeur.
Palestine, Irak, Liban sont les avant-postes d’une résistance en train de prendre forme un peu partout dans le monde contre les criminels de la « guerre sans fin. Les soutenir est le moindre des devoirs des progressistes de toutes appartenances.
Georges Labica (15 septembre 2006)