Ci-joints quelques passages transcrits de l'intervention de Julien Salingue* sur le thème "La Solidarité avec la Palestine" à la soirée-débat consacrée à Georges Ibrahim Abdallah à Bordeaux en octobre 2015 :
Le mouvement de solidarité :
" On a tendance à résumer l'occupation à un phénomène de violence militaire et l'on perçoit beaucoup moins bien ce qu'est l'occupation au quotidien et ce que fait l'occupation dans la tête des gens. Elle structure tout dans la vie quotidienne."
"L'occupation est visible par la présence militaire, mais aussi elle structure une société."
"La solidarité doit être efficace. Pour être efficace, il faut comprendre ce qui se passe là-bas, les évolutions de la société et que la solidarité est différente en fonction des rapports de force."
Actualité :
"Une fois de plus, on reparle de ce qui se passe dans les territoires palestiniens parce que les Israéliens subissent de la violence."
"Ce que les jeunes Palestiniens rappellent au monde depuis plusieurs semaines : non la situation n'est pas normale et non ils n'accepteront pas que la normalité soit l'occupation, la colonisation, les humiliations quotidiennes, les expulsions, les démolitions."
"Jérusalem est une ville occupée par l'armée israélienne. Les Palestiniens de Jérusalem-Est subissent un régime d'oppression systématique depuis 1967. La situation des Palestiniens de Jérusalem-Est est intenable depuis fort longtemps."
"Jérusalem-Est, c'est 300 000 Palestiniens qui ont un statut hallucinant : ils ne sont ni citoyens israéliens, ni citoyens palestiniens. Ils sont apatrides, ou éventuellement de nationalité jordanienne."
"Ils ont un statut de résident. C'est comme s'ils étaient tolérés. Ce statut est reconduit régulièrement ou non. Ils sont dans leur pays, dans leur ville où ils sont nés, et ils sont devenus des résidents, soit des invités permanents ; statut précaire et fragile qui s'accompagne de discriminations systématiques d'un point de vue municipal et national israélien."
"Aujourd'hui, à Jérusalem-Est, on estime que 75% de la population palestinienne vit sous le seuil de pauvreté (dernier rapport des ONG)."
"20 000 logements sont sous le coup d'ordre de démolition parce que construits illégalement selon les autorités israéliennes. Mais on ne leur donne jamais de permis de construire !"
"Avec en plus les procédures de contrôles et de harcèlements, et la prise de contrôle progressif des lieux saints suite à une montée en force des nationalistes religieux."
Ce qui fait que ça explose :
"L'histoire de la lutte nationale palestinienne a été scandée par des séquences générationnelles : la génération de 48 (Nakba), de 67 (occupation), la 1e intifada, la 2e intifada…"
"Ce à quoi on assiste aujourd'hui est l'émergence d'une génération palestinienne (entre 13 et 20 ans) qui veut se faire entendre."
"C'est la génération post-Oslo. Les jeunes qui se soulèvent aujourd'hui, ce n'est pas pour demander un État indépendant, ni pour dire qu'il faut respecter les dirigeants, ou qu'il faut reprendre les négociations. C'est pour exprimer un ras-le-bol de l'oppression, de la discrimination, de l'occupation. Et ils sont prêts à mourir pour que cette situation se termine."
"On a là une génération qui est le produit de la crise du mouvement national palestinien, de la crise d'Oslo, de la crise du projet de deux États."
"Elle n'a pas accepté l'idée que leur vie soit organisée et structurée par l'occupation."
"Le processus en cours depuis une dizaine d'années est un processus de dépossession lente de la population de ses terres : annexions, destructions de maisons palestiniennes et construction de logements dans les colonies (on est passé de 200 000 colons en 1990 à 600 000 aujourd'hui)."
"C'est le développement logique du projet qui précède l'État d'Israël, le projet sioniste : prendre la terre sans ses habitants."
"C'est l'histoire d'une dépossession et d'un remplacement de population."
"Le processus de paix, Oslo, n'a pas été juste un processus d'accentuation de la colonisation et de la répression, c'est aussi une mise sous tutelle économique de pans entiers de la population palestinienne qui rime avec une dépendance politique."
Sur la solidarité :
"Depuis une dizaine d'années, on est sorti de la solidarité "raisonnable", en vue d'un accord "honorable" entre Palestiniens et Israéliens."
"Actuellement, on note la montée en puissance de la campagne de boycott et le développement de projets intéressants. Il faut soutenir les initiatives de base, être attentifs à ce qui se passe, entendre ce que les acteurs palestiniens demandent et comprendre que, quand on est confronté à une entreprise de dépossession et de destruction du mouvement social, toutes les initiatives venues d'en bas, qui visent à construire, développer du lien social, du collectif, que ce soit sur des questions culturelles, sur le droit des femmes, sur des questions agricoles, toutes ces initiatives sont importantes, car c'est là-dessus que se reconstruira un mouvement national palestinien."
"Aujourd'hui, l'État d'Israël est un État dominant, surarmé, soutenu au niveau international, dirigé par un gouvernement de droite et d'extrême-droite."
"D'où l'urgence et l'impératif du boycott de l'État d'Israël. Il n'y a pas de possibilité de compromis avec cet État aujourd'hui"
"La solidarité part d'une analyse concrète d'une situation concrète, qui repose sur des principes intangibles : quelle que soit l'évolution de la situation, quelle que soit la direction dont se dotent les Palestiniens et quels que soient leurs moyens utilisés pour lutter, on soutient leurs droits."
☞ Écouter l'intervention entière.
* Julien Salingue est docteur en Science Politique (Université Paris 8). Ses recherches portent sur le mouvement national palestinien et sur les dynamiques politiques, sociales et économiques en Palestine.
Son dernier livre, paru en novembre 2015 aux éditions La Fabrique : "La Palestine des ONG, entre résistance et collaboration."