24 mars 2016, semaine anti-coloniale, la Savine, Marseille 15/16, secteur socialiste tenu par Samia Ghali : le drapeau palestinien est censuré en plein cœur d’un quartier populaire.
Alors que se déroule la semaine anti-coloniale et de lutte contre le racisme, des associations se réunissent à la Savine et font corps pour marcher vers la convergence et l’unité, parce qu’elles décident que lutter seules contre les injustices, le racisme, le chômage, le décrochage des jeunes, les préjugés, la crise du logement ….c’est bien trop difficile et que c’est ensemble et qu’ensemble que nous vaincrons tous ces maux.
Convivialité, éducation populaire, art de rue, débats, sourire des enfants, « bonne bouffe », partage d’analyses et d’expertises, partage de vécu aussi…Rien ne pouvait, sous le ciel bleu marseillais, laisser présager de l’arrivée d’un nuage.
Alors que des artistes graffeurs, de renommée internationale, étaient venus, avec l’accord de la société HLM et inspirés de la parole des habitants, donner vie aux murs de la Savine, nous avons dû, avant même que la fresque murale soit terminée, mettre fin à l’ouvrage suite à la visite des services de police envoyés par la préfecture.
Motif : une dénonciation malveillante auprès de la mairie 15/16 faisant état, soit-disant, de tensions au quartier, du fait de la présence sur le mur du drapeau palestinien et d’une exposition sur les grandes figures de la lutte anti-coloniale (une exposition complétait le travail des graffeurs).
Or nul trouble, nulle tension….
Quelle ne fut pas notre surprise aussi d’apprendre de la bouche des policiers que des accusations portaient l’idée que les inscriptions des artistes étaient à caractère religieux !
Le décor est posé. La censure reflète bien tout ce qu’il est question de dénoncer pendant une semaine contre le racisme et l’anticolonialisme : les vils préjugés, le tout sécuritaire qui conduit au fascisme, l’islamophobie galopante, la crispation autour du soutien au peuple palestinien, le bâillonnement de la parole des quartiers, le mépris des modes d’expression artistique née des revendications populaires, la criminalisation des militants, et l’instrumentalisation malveillante de la figure de Georges Ibrahim Abdallah maintenu enfermé en France depuis 32 ans sur ordre des USA et ce malgré les décisions de le libérer prononcées par la justice française. On ne compte plus aujourd’hui les soutiens qui exigent sa libération : Ligue des droits de l’homme, Union des juifs français pour la paix, association France Palestine solidarité, Yves Bonnet ancien chef de la DST, nombre d’élus… Georges est citoyen d’honneur de plusieurs communes. En effet la figure de Georges était présente comme résistant anti-colonial, enfermé à ce titre, comme l’ont été Angéla Davis, Lumumba, Mandela, Larbi Ben M’hidi, autres figures présentes dans l’exposition parmi tant d’autres qui avaient vocation à être représentés sur la fresque si l’élan de l ‘artiste n’avait pas été stoppé par les représentants de l’ordre.
Les habitants ont donc choisi de repeindre la fresque en blanc recouverte de l’inscription « CENSURÉ ». Ils l’ont fait le cœur lourd, mais debout. Ils l’ont fait les yeux tristes, mais le poing levé. Ils l’ont fait la rage au ventre, plus motivés que jamais pour défendre leurs droits, pour s’unir et ne plus subir.
Jamais au grand jamais nous n’avons aimé le drapeau palestinien plus que ce jour là.
Jamais nous n’avons eu de plus belles tribunes pour parler de Georges Ibrahim Abdallah et rendre hommage aux grandes figures des luttes de l’immigration et du combat anti-colonial.
Jamais au grand jamais nous n’avons été plus convaincus de la nécessité du décloisonnement des luttes et de la convergence .
Jamais au grand jamais nous n’avons eu l’envie d’être plus forts ensemble.
Jamais au grand jamais nous n’avons été aussi sûrs de la mauvaise utilisation des deniers publics : déployer la force publique pour – comme l’a relevé une petite fille du quartier – « un dessin ».
La fresque a été faite le 23 mars après midi. On nous a fait injonction de l’effacer le jeudi 24 mars à 9h du matin. Elle n’est pas visible du grand public. Comment la préfecture a-t-elle pu recevoir des informations aussi vite ? Qui a pu lui envoyer des informations aussi nauséabondes ? Qui a prévenu la mairie de Samia Ghali ? Qui avait intérêt à saboter un tel élan de solidarité ? Qui peut avoir l’ambition de détruire toute aspiration au bien-vivre au quartier de la Savine ? Qui a fait ça ?
Peu importe dirons nous….
Les sans-figures ne sauraient prendre place au milieu des grandes figures du combat pour la liberté. Les habitants de la Savine l’ont compris. Ils savent aujourd’hui qui travaille à leur dignité et qui construit leur assignation à résidence précaire.
Oh khobziste! Oh gamelleur ! Oh traître ! Oh toi ! Oui toi qui as offert ta dignité et la mémoire des luttes de tes ancêtres au clientélisme politique le plus vil, tu n’as fait que servir les intérêts du censeur !
La censure ne nous fera pas taire, elle fera fleurir tous les moyens d’expression possibles et imaginables.
Censeurs, MERCI ! Jamais l’écho de la Savine n’aura résonné aussi loin !
Soraya, Comité Georges Ibrahim Abdallah PACA