Ils soutiennent Georges Abdallah

A l’occasion de l’entrée de Georges Abdallah dans une 35e année de détention dans les prisons françaises, le journaliste Jacques KMIECIAK, membre du Collectif de soutien Bassin Minier, écrit sur le « scandale d’État » du maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah » (article complet avec photos ici ) :

Il entre bientôt dans sa 35e année de captivité : Le « scandale d’État » du maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah

Libérable depuis 1999, le résistant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah entamera sa 35e année de détention en France, ce mercredi 24 octobre 2018. Un « scandale », selon André Delcourt qui a, en 2012, était le premier maire de France à en faire un « citoyen d’honneur ». Des manifestations pour exiger sa libération auront notamment lieu à Lannemezan (20 octobre) et à Lille (24 octobre)

Le 23 février 2012, le conseil municipal de Calonne-Ricouart élevait le résistant Georges Ibrahim Abdallah au rang de « citoyen d’honneur » ! Un moyen de médiatiser l’exigence de sa libération. L’initiative en revenait au Comité « Libérez-les ! » pour la libération des prisonniers et réfugiés politiques (59 – 62) et à André Delcourt, alors maire de cette commune de l’ouest du bassin minier du Pas-de-Calais. Plus tard, Grenay (Pas-de-Calais) puis Bagnolet (Seine-Saint-Denis) lui emboîteront le pas.

Un homme en colère

Aujourd’hui retiré des affaires publiques, l’ex-maire « communiste et chrétien » de 84 ans est un homme en colère. Arrêté en 1984, condamné à la perpétuité, suite à un procès truqué, pour « complicité » dans l’exécution sur le sol français, deux ans plus tôt, d’un agent de la CIA et d’un autre du Mossad, les services secrets israéliens, Georges Ibrahim Abdallah est en effet toujours détenu à Lannemezan (Hautes-Pyrénées).

A plusieurs reprises pourtant, la justice française s’est prononcée pour son élargissement. La dernière fois, c’était en janvier 2013. Georges Ibrahim Abdallah devait être libéré sous condition d’expulsion vers le Liban, son pays natal. Manuel Valls, alors ministre socialiste de l’Intérieur, s’y était opposé.

Acharnement d’ordre politique

Le 24 octobre prochain, Georges Ibrahim Abdallah entamera donc sa 35e année de détention dans l’Hexagone. Celui qui est parfois présenté comme le « plus ancien prisonnier politique d’Europe » a passé plus de temps derrière les barreaux que Nelson Mandela ou même Auguste Blanqui…

Son maintien en détention relève donc d’une logique politique qui confine à l’acharnement ; ce résistant n’ayant jamais renié ses convictions anti-impérialistes et pro-palestiniennes du temps où il militait au sein du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) ou des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL) et combattait l’État d’Israël, puissance occupante de la Palestine et du Liban.

Il s’agit bien d’une « vengeance d’État », selon Yves Bonnet, l’ancien patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST) à l’époque de l’arrestation d’Abdallah. Mais pas seulement…

La justice française ? La putain de l’Amérique

En cette après-midi ensoleillée du 19 mai 2012, André Delcourt accueille, en l’hôtel de ville de Calonne-Ricouart, Jacques Vergès. L’avocat d’Abdallah est alors accompagné d’une militante du Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah chargée de lui transmettre la Médaille de la Ville et son diplôme de « citoyen d’honneur ».

Aujourd’hui disparu, Jacques Vergès, dans son style si caractéristique, dénonce alors la soumission de la France aux diktats des États-Unis : « Au moment de son procès, le procureur avait dit de ne pas écouter la voix de l’Amérique. Malheureusement et c’est une honte pour nous tous, on écoute la voix de l’Amérique. Elle parle dans ce dossier comme un patron parle à un subordonné. Le gouvernement américain est partie civile dans cette affaire. Il est représenté. Il ne peut pas admette que Georges Ibrahim Abdallah soit libéré. S’il reste en prison, c’est parce que l’Amérique l’a décidé. En 2003, la cour d’appel de Pau s’était prononcée pour la liberté. Le gouvernent a alors ordonné un pourvoi devant la cour de cassation et celle-ci a cassé le jugement. A Paris, je me rappelle avoir déposé un mémoire à la chambre d’accusation. J’ai dit que notre dignité était de dire à nos condescendants amis américains que la justice française n’était pas une fille soumise ; je veux dire une putain. Ce sont les mots que j’ai employés, mais la justice ne m’a pas écouté ».

Un scandale d’État

Pointant du doigt un « scandale d’État » , Jacques Vergès rappelle par ailleurs qu’au début « des années 1970, Mahmoud El Hamchari (représentant de l’OLP en France) ou le dramaturge et journaliste algérien Mohamed Boudia (FPLP) ont été assassinés sur le sol français. L’enquête a démontré que c’est le Mossad qui a réalisé ses attentats. Ses auteurs n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. Ils ont même été décorés alors que Georges Ibrahim Abdallah dont la participation directe n’est pas démontrée, a été condamné ! Ses victimes ? Un prétendu diplomate américain qui torturait en Indochine et l’autre un agent du Mossad… Le problème posé est un problème d’honneur pour la France. Nous avons l’un des plus vieux prisonniers politiques du monde. Personne ne veut pas en attendre parler. Je voulais saluer votre initiative, ici à Calonne-Ricouart, et le maire André Delcourt. Il faut que toute la France en parle. C’est inadmissible c’est une honte… ». Six ans plus tard, son indignation reste d’actualité !

Debout et déterminé

Jacques Vergès était un sacré bonhomme », se souvient, un brin nostalgique, André Delcourt qui correspond désormais régulièrement avec Georges Ibrahim Abdallah. Ce dernier est « un homme debout, qui met un point d’honneur à se maintenir toujours en pleine forme physique et intellectuelle. Il fait abstraction de sa situation personnelle, préférant échanger sur la situation en Syrie, au Moyen-Orient, sur les menaces qui pèsent en Europe et qui l’inquiètent énormément avec la poussée des extrêmes droites », soulignait récemment dans les colonnes du quotidien l’Humanité, la députée européenne (PCF) Marie-Pierre Vieu qui le visite régulièrement.

En prison, Georges Ibrahim Abdallah, 67 ans, a été et demeure de tous les combats en solidarité avec l’ensemble des prisonniers politiques ( basques, kurdes, turques, palestiniens…) qui subissent les foudres de la répression (grève de la faim ou des plateaux, etc.). Son attachement à la cause de la libération de la Palestine ne s’est jamais démenti comme l’atteste sa dernière déclaration sur Gaza (1)…

Temps forts de mobilisation

Aujourd’hui, ce digne successeur de ces glorieux francs-tireurs et partisans (FTP) ayant, au sacrifice de leur liberté et parfois de leur vie, combattu sur le sol français le nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale, ne se fait guère d’illusion quant à l’efficacité d’un énième recours en justice. Ni sur l’influence de bien trop pusillanimes autorités libanaises. Seule la mobilisation populaire pourra l’arracher aux griffes de ses geôliers. Pour exiger sa libération, une manifestation devait se dérouler, comme chaque année, à Lannemezan, ce samedi 20 octobre. Un rassemblement est également programmé dans le nord de la France, le mercredi 24 octobre à 18h, Grand’Place à Lille. Des initiatives seront également menés à Belfast, Genève ou Marseille…

 

En complément, un article sur André Delcourt, ex-maire communiste de Calonne Ricouart (Pas-de-Calais), première municipalité à nommer Georges Abdallah citoyen d’Honneur.