Acharnement judiciaire contre M. Georges Ibrahim Abdallah : un article de Marina Da Silva et d’Alain Gresh dans le numéro de mai 2012 du Monde diplomatique, actuellement en kiosque.
Extrait :
Un prisonnier politique expiatoire
M. Nicolas Sarkozy a relancé la « guerre contre le terrorisme », procédant, fin mars, à des arrestations aussi spectaculaires qu’inutiles. Durant l’hiver 1985-1986 déjà, des attentats à Paris avaient servi de prétexte à une campagne désignant comme coupables les partisans de M. Georges Ibrahim Abdallah.
par Marina Da Silva et Alain Gresh, mai 2012
Il aura bientôt passé plus de temps en détention que M. Nelson Mandela. Il est, avec le Palestinien Karim Younes, le militant des Black Panthers Mumia Abu-Jamal ou l’Amérindien Leonard Peltier, l’un des plus vieux prisonniers politiques du monde. Et c’est en France — actuellement au centre pénitentiaire de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées — qu’il croupit depuis vingt-sept ans. Arrêté le 24 octobre 1984, M. Georges Ibrahim Abdallah, né le 2 avril 1951 à Kobayat, dans le nord du Liban, y a été condamné en 1987 à la prison à vie.
Malgré un réseau de soutien actif, qui ne cesse de manifester pour sa libération, le mur du silence médiatique restait difficile à briser. Il l’a été, aussi étonnant que cela puisse paraître, grâce à M. Yves Bonnet, préfet honoraire, ancien directeur de la direction de la surveillance du territoire (DST). qui avait contribué à l’arrestation de M. Abdallah.
Interrogé le 28 décembre 2011 par France 24, l’ex-patron du contre-espionnage français (entre 1982 et 1985) a fait une déclaration fracassante : « Cette injustice a assez duré ; elle a même dépassé les limites du raisonnable. Plus rien ne justifie son incarcération. Qu’on le mette dans un avion et qu’on le renvoie chez lui, au Liban, où les autorités sont disposées à l’accueillir. » Il a même reconnu son« malaise » après l’accord qu’il avait obtenu en 1985 : M. Abdallah devait être libéré et échangé contre M. Gilles Sidney Peyroles, conseiller culturel français à Tripoli, enlevé en mars de la même année au Liban par la Fraction armée révolutionnaire libanaise (FARL). « J’ai un problème de conscience avec cette affaire. La France a trahi la parole donnée, et on a voulu faire croire qu’à l’époque j’avais négocié tout seul. »
L’histoire de M. Abdallah est indissociable de celle de la guerre du Liban, et plus particulièrement de l’invasion israélienne de Beyrouth, en 1982 — vingt mille morts civils libanais et palestiniens —, soutenue par les Etats-Unis. Militant révolutionnaire, il adhère d’abord au Parti national social syrien (PNSS), puis (…)
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