POUR GEORGES ABDALLAH, CONTRE GEORGE BUSH
par Jacques Vergès
[Extrait de la plaidoirie prononcée devant la justice française à Lannemezan, le 17 septembre 2007]
Souveraineté de la France concernant sa justice
Prisonnier de l’Etat français, Georges Ibrahim ABDALLAH a déposé entre les mains d’un tribunal français une demande de liberté conditionnelle le 6 février 2007. Le State Department n’a pas mis longtemps à réagir et donner le la de ces débats. Le 9 mars, sous la forme brutale à quoi l’on reconnaît désormais la signature de sa diplomatie, il fait savoir : « Le gouvernement des Etats-Unis exprime sa ferme opposition quant à l’éventualité d’une mise en liberté conditionnelle de Georges Ibrahim ABDALLAH pouvant résulter de la procédure à venir devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ».
[…] On regrettera donc que 15 jours plus tard, la DST, dans un rapport scandaleux, ait cru devoir se faire le relais des exigences du State Department. Extrait : « Enfin, il est certain que la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH, responsable de la mort de plusieurs personnes en France, dont des diplomates américains et israéliens, soulèvera de vives protestations de la part des parties civiles et des autorités de ces pays ». Là où nous vous demandons un acte de justice, le directeur de la DST vous demande un geste politique en faveur des autorités américaines. […]
Le Liban traité comme la France en protectorat US
Apparemment, il importe assez peu à la partie civile que le gouvernement libanais ait fait savoir qu’il était disposé à accueillir G.I. ABDALLAH et à lui faire délivrer un sauf-conduit pour rejoindre son pays. Cela est nul et non avenu aux yeux du State Department ; le gouvernement libanais est pareil au gouvernement français : c’est un mineur qu’il faut guider et à qui on doit apprendre le B.A.BA de la doctrine américaine dans la région. Le retour de G.I. ABDALLAH déstabiliserait le Liban. Au contraire de la présence américaine qui, comme chacun sait, a très largement contribué à la pacifier.
Forts de leurs innombrables échecs en politique étrangère, les Américains se croient autorisés à administrer aux Français leurs précieuses lumières géopolitiques, qui font l’admiration du monde entier, assorties de l’une des idées fixes du racisme américain : l’atavisme biologique. Georges Ibrahim ABDALLAH était donc il l’est encore.
State Department, 9 mars 2007 : « Le contexte politique et sécuritaire du Liban joue un rôle important. Monsieur ABDALLAH était un personnage clé d’une organisation terroriste basée au Liban et bénéficiant du soutien de la Syrie, désireuse de commettre des assassinats politiques contre des officiels européens et américains. Avec les assassinats récents de Pierre GEMAYEL et de bien d’autres figures politiques qui croyaient en un Liban libre et débarrassé de toute domination syrienne, il est tout à fait possible qu’un ABDALLAH sans remords s’engage une nouvelle fois dans des activités terroristes pour défendre sa cause ».
Le 26 mars 2007, en bout de chaîne, la DST vient faire écho à la position du gouvernement américain, sans jamais se départir du ton oraculaire qu’il affecte : « Dans un contexte politique déjà très tendu, une telle libération serait un élément déstabilisateur supplémentaire sur la scène libanaise. » […]
Un mensonge répugnant.
Georges Ibrahim ABDALLAH serait impliqué dans les attentats qui ont dévasté Paris en 1986 : « Pour souligner l’importance de Monsieur Georges Ibrahim ABDALLAH dans la toile qui relie entre eux les différents réseaux terroristes, il suffit de rappeler que ceux qui perpétrèrent l’horrible attentat de la rue de Rennes à Paris le 17 septembre 1986 exigeaient sa libération. »
Mensonge d’autant plus infâme que les enquêtes du pôle antiterroriste du parquet de Paris ont démontré depuis que ni ABDALLAH, ni ses proches n’étaient impliqués dans ces attentats.
M. MARSAUD du pôle antiterroriste écrit dans un livre de souvenirs titré Avant de tout oublier : « ABDALLAH fut en partie condamné pour ce qu’il n’avait pas fait car, peu de temps après, nous allions partir sur une bonne piste et identifier les véritables responsables des attentats de 1986.
« L’établissement de la responsabilité de Fouad SALEH dans les attentats de 1986 faisait d’un coup retomber la pression, et, par ricochet, remettait Georges Ibrahim ABDALLAH à sa véritable place.
« Quelques heures après l’attentat de la rue de Rennes pourtant, la piste des frères ABDALLAH avait été retenue et de nombreux témoins avaient identifié sur les photos les frères de Georges Ibrahim. Nous avons eu assez rapidement l’explication de cette méprise : l’un des poseurs de bombe, qui avait notamment agi rue de Rennes, un nommé Habib HAIDAR, ressemblait quasiment trait pour trait à Emile ABDALLAH ».
Cela, les Américains le savent mais ils font semblant de l’ignorer pour accabler Georges Ibrahim ABDALLAH. […]
Un mensonge manifeste.
Georges Ibrahim ABDALLAH serait devenu musulman. C’est la DST, dont décidément il va falloir songer à transférer les services outre-atlantique, qui l’affirme, sans apporter la moindre preuve, et pour cause.
[…] grande [est] la tentation en Occident d’assimiler tout musulman à un criminel. L’imputation de terrorisme faite à l’islam est insultante. Elle est malheureusement courante. C’est cela que le rapport de la DST suggère, dans un racisme qui ne prend même plus la peine de se voiler. Par là, preuve serait faite de la « dangerosité » nouvelle de Georges Ibrahim ABDALLAH, mais prétendre qu’un communiste puisse renoncer à la religion de sa communauté pour en adopter une autre, ne peut convaincre que des gens que la soumission à la volonté américaine aveugle.
[…] A trop écouter l’oncle Sam l’on devient décidément sourd à la raison.
C’est de cet insupportable protectorat américain que nous vous demandons de libérer la justice française en rendant à Georges Ibrahim ABDALLAH la liberté à laquelle les textes français lui donnent droit. […]
La plaidoirie dans son intégralité : Ici
Article publié sur http://liberonsgeorges.over-blog.com le 23 septembre 2007