Les 16 et 17 septembre 1982 avaient lieux les massacres de Sabra et Chatila. Des milliers de Palestiniens furent tués par les fascistes libanais avec l’aide logistique des sionistes et la complaisance criminelle des impérialistes sur place, dont les forces françaises.
Ces massacres sont liés à l’invasion du Liban par l’armée sioniste israélienne le 6 juin 1982.
Le mercredi 15 septembre, le lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste alliée des sionistes et président élu libanais, Bashir Gemayel, l’armée sioniste occupe Beyrouth-Ouest, encerclant et bouclant les camps de Sabra et Shatila, où vivaient des civils libanais et palestiniens.
L’armée sioniste a alors désarmé, dans la mesure où elle le pouvait, les milices anti-Israéliennes à Beyrouth-Ouest, et elle a laissé ses armes aux milices phalangistes chrétiennes de Beyrouth.
A midi le 15 septembre 1982, les camps de réfugiés étaient complètement encerclés par des tanks et des soldats sionistes, qui ont installé des points de contrôle aux endroits stratégiques et aux carrefours autour des camps afin d’en surveiller toutes les entrées et les sorties.
En fin d’après-midi et toute la soirée, les camps ont été bombardés.
Le jeudi 16 septembre 1982 vers midi, une unité d’environ 150 Phalangistes armés est entrée dans le premier camp.
Pendant les 40 heures suivantes, les membres de la milice phalangiste ont violé, tué et blessé un grand nombre de civils non armés, dont la plupart étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées à l’intérieur des camps encerclés et bouclés. L’estimation des massacres portent sur 3.500 morts.
Quatre heures à Chatila – Jean Genet
[…] D’un mur à l’autre d’une rue, arqués ou arc-boutés, les pieds poussant un mur et la tête s’appuyant à l’autre, les cadavres, noirs et gonflés, que je devais enjamber étaient tous palestiniens et libanais. Pour moi comme pour ce qui restait de la population, la circulation à Chatila et à Sabra ressembla à un jeu de saute-mouton.
Un enfant mort peut quelquefois bloquer les rues, elles sont si étroites, presque minces et les morts si nombreux. Leur odeur est sans doute familière aux vieillards : elle ne m’incommodait pas. Mais que de mouches. Si je soulevais le mouchoir ou le journal arabe posé sur une tête, je les dérangeais. Rendues furieuses par mon geste, elles venaient en essaim sur le dos de ma main et essayaient de s’y nourrir.
Le premier cadavre que je vis était celui d’un homme de cinquante ou soixante ans. Il aurait eu une couronne de cheveux blancs si une blessure (un coup de hache, il m’a semblé) n’avait ouvert le crâne. Une partie de la cervelle noircie était à terre, à côté de la tête. Tout le corps était couché sur une mare de sang, noir et coagulé. La ceinture n’était pas bouclée, le pantalon tenait par un seul bouton. Les pieds et les jambes du mort étaient nus, noirs, violets et mauves: peut-être avait-il été surpris la nuit ou à l’aurore ? Il se sauvait ? Il était couché dans une petite ruelle à droite immédiatement de cette entrée du camp de Chatila qui est en face de l’Ambassade du Koweit. Le massacre de Chatila se fit-il dans les murmures ou dans un silence total, si les Israéliens, soldats et officiers, prétendent n’avoir rien entendu, ne s’être doutés de rien alors qu’ils occupaient ce bâtiment, depuis le mercredi après-midi ?
La photographie ne saisit pas les mouches ni l’odeur blanche et épaisse de la mort. Elle ne dit pas non plus les sauts qu’il faut faire quand on va d’un cadavre à l’autre.
[…]
S’ils sont partis si vite (les Italiens, arrivés en bateau avec deux jours de retard, s’enfuirent avec des avions Hercules !), les marines américains, les paras français, les bersaglieri italiens qui formaient une force de séparation au Liban, un jour ou trente-six heures avant leur départ officiel, comme s’ils se sauvaient, et la veille de l’assassinat de Béchir Gemayel, les Palestiniens ont-ils vraiment tort de se demander si Américains, Français, Italiens n’avaient pas été prévenus qu’il faille déguerpir à toutes pompes pour ne pas paraître mêlés à l’explosion de la maison des Kataëb ?
– C’est qu’ils sont partis bien vite et bien tôt. Israël se vante et vante son efficacité au combat, la préparation de ses engagements, son habileté à mettre à profit les circonstances, à faire naître ces circonstances. Voyons : I’OLP quitte Beyrouth en gloire, sur un navire grec, avec une escorte navale. Béchir, en se cachant comme il peut, rend visite à Begin en Israël. L’intervention des trois armées (américaine, française, italienne) cesse le lundi. Mardi Béchir est assassiné. Tsahal entre à Beyrouth-Ouest le mercredi matin. Comme s’ils venaient du port, les soldats israéliens montaient vers Beyrouth le matin de l’enterrement de Béchir. Du huitième étage de ma maison, avec une jumelle, je les vis arriver en file indienne : une seule file. Je m’étonnais que rien d’autre ne se passe car un bon fusil à lunette aurait dû les descendre tous. Leur férocité les précédait.
Et les chars derrière eux. Puis les jeeps.
Fatigués par une si longue et matinale marche, ils s’arrêtèrent près de l’Ambassade de France, laissant les tanks avancer devant eux, entrant carrément dans Hamra. Les soldats, de dix mètres en dix mètres, s’assirent sur le trottoir, le fusil pointé devant eux, le dos appuyé au mur de l’ambassade. Le torse assez grand, ils me semblaient des boas qui auraient eu deux jambes allongées devant eux.
Extraits de Quatre heures à Chatila de Jean Genet
Article publié sur http://liberonsgeorges.over-blog.com le 19/9/2009