VENGEANCE D’ETAT
Retour sur Novembre 2003
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Assemblée nationale
COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2003-2004 – 31ème jour de séance, 78ème séance
1ère SÉANCE DU MERCREDI 26 NOVEMBRE 2003
PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ
APPLICATION DES PEINES EN MATIÈRE DE TERRORISME
M. Jean-Paul Garraud: La juridiction de la libération conditionnelle du tribunal de Pau vient d’ordonner la remise en liberté d’un des plus grands terroristes emprisonnés dans notre pays, à savoir Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1987.
Heureusement, sur vos instructions, Monsieur le Garde des Sceaux, le Parquet a immédiatement fait appel de cette décision et l’ex-chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises, détenu depuis 1984, restera en prison jusqu’à l’examen de l’appel en janvier prochain.
Sans porter le moindre jugement sur une décision de justice, je m’interroge néanmoins sur l’application de la loi du 15 juin 2000, laquelle a déjà permis la libération en mars 2001 d’un autre terroriste condamné en 1985 à la réclusion à perpétuité. En effet, avant cette loi, c’était le Garde des Sceaux, et lui seul, qui se prononçait en un domaine concernant au plus haut point la sécurité de l’Etat et de nos concitoyens.
Si je comprends l’évolution de la procédure en matière de droit commun, je suis plus que réservé en matière de terrorisme, à l’heure où celui-ci connaît un dramatique regain partout dans le monde. Alors que pour l’enquête concernant des actes terroristes et le jugement de leurs auteurs s’applique une procédure particulière – la cour d’assises siège par exemple en formation spéciale, uniquement avec des magistrats professionnels -, il n’en est rien pour l’application des peines. On fait là comme si un acte terroriste était assimilable à n’importe quelle autre infraction.
Afin d’éviter l’érosion des peines, que j’ai déjà dénoncée ici, et d’éviter des remises en liberté intempestives, ne conviendrait-il pas de prévoir également une procédure spécifique pour l’application des peines en matière de terrorisme ? Ce serait cohérent, dans la mesure où il en existe une pour l’enquête et le jugement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice: Vous avez raison de souligner le caractère particulier de la lutte antiterroriste. Nous sommes en situation de quasi-guerre avec un certain nombre d’organisations terroristes internationales. C’est pourquoi la France s’est progressivement dotée d’un dispositif particulier. Après les attentats qui ont frappé notre pays il y a une vingtaine d’années, notre législateur a donné une compétence spéciale au tribunal de grande instance de Paris.
Nous avons fait le choix de la spécialisation et ce système donne entière satisfaction.
Cet après-midi, nous allons examiner en deuxième lecture le projet de lutte contre la criminalité organisée, qui permettra de combattre le terrorisme grâce à ses dispositions relatives aux infiltrations et aux repentis. Il donnera des armes à la justice, pour mieux combattre le terrorisme national et international.
Les lois de 1986 et 1996 ont alourdi les peines qui peuvent être prononcées par les magistrats.
Mais le particularisme qui caractérise notre droit jusqu’à la condamnation des terroristes ne se retrouve pas en matière d’exécution des peines, la proximité entre le juge et le détenu étant nécessaire dans ce domaine. Confier l’exécution des peines au TGI de Paris ne manquerait pas de poser des problèmes pratiques, dans la mesure où je souhaite conserver la possibilité d’enfermer les condamnés dans des prisons différentes, pour des raisons de sécurité.
Je ne peux vous répondre tout de suite, mais il nous faut comparer les avantages et les inconvénients du système actuel.
Le cas que vous évoquez montre qu’il est possible de faire appel : la décision est renvoyée devant la cour d’appel, qui tranchera avec le recul nécessaire. Je m’engage, en tout cas, à faire le point sur le dispositif actuel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).