Une interview du CLGIA par le journaliste Jacques Kmieciak, réalisée en octobre 2016 :
JK : Quand est né le CLGIA et dans quels buts ?
SLM : Il s’est formé en juin 2004. Il regroupe des militants de divers horizons politiques, conscients que seule la lutte organisée et conséquente peut arracher les militants révolutionnaires des prisons. Le Collectif impulse et organise des actions dans le but de populariser et de mobiliser autour de la cause de Georges Abdallah, en respectant son identité politique tout en mettant en avant son combat communiste, anti-impérialiste et antisioniste. Auparavant, il existait un groupe de soutien au sein du Secours rouge belge. A présent de nombreux groupes en France et dans le monde militent pour la libération de Georges Abdallah.
JK : Vous avez, dans le cadre de la « campagne unitaire », appelé à un rassemblement à Lannemezan ce samedi 22 octobre 2016. Quel bilan en tirez-vous ?
SLM : La « campagne unitaire », lancée à la suite de la manifestation à Lannemezan l’an dernier, avait pour but de coordonner toutes les initiatives locales et d’intensifier les luttes pour exiger la libération de notre camarade. Dans ce sens nous sommes satisfaits de l’importance de ce rassemblement. Il reflète le travail militant des groupes locaux. En témoigne la présence pour la première fois d’un cortège de jeunes de Saint-Denis et de gens qui ne connaissaient pas Georges Abdallah auparavant.
Dans le cadre de cette « campagne unitaire, », une semaine internationale d’actions avait été imaginée. Elle a vu naître beaucoup d’initiatives en France (Île de France, Lyon, Marseille, Grenay, Bordeaux) mais aussi en Italie, en Espagne, au Liban, en Allemagne, aux Etats-Unis d’Amérique, en Palestine occupée, en Turquie, en Tunisie, en Grèce, en Autriche, en Irlande…
L’exigence de libération de notre camarade s’enrichit de la multiplicité de la mobilisation et de la diversité de son expression.
JK : Vous avez donc le sentiment que cette exigence grandit en France et dans le monde ?
SLM : Oui. Georges Abdallah est de plus en plus connu et reconnu. Il a été nommé citoyen d’honneur de trois villes : Calonne Ricouart, Grenay, dans le Pas-de-Calais, et Bagnolet, dans la banlieue parisienne, en 2012 et 2013. Il a reçu le prix « Frantz Fanon » en 2014 et il est président d’honneur des Rouges Vifs et du Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP).
Mais l’acharnement militant n’est pas la seule raison à ce succès. Le lien indispensable entre le combat de Georges – sa résistance à l’oppression carcérale et à l’acharnement judiciaire, son combat pour la libération de la Palestine, sa solidarité exprimée avec tous les peuples en lutte – et l’engagement dans nos luttes actuelles contre la répression policière, contre la régression organisée des droits des travailleurs, contre toutes formes de colonisation, contre le racisme, contre les guerres qui jettent à la mer des milliers de migrants, contre la politique impérialiste de nos gouvernements qui n’engendre que guerre, misère et pauvreté, ce lien se fait de plus en plus sentir autour de nous en France mais aussi de par le monde.
JK : Georges Ibrahim Abdallah a fait appel de la décision de la Justice de ne pas le libérer. Qu’en est-il ?
SLM : La cour de cassation s’est prononcée en septembre dernier. Elle a rejeté le pourvoi formé par Georges Abdallah en février 2015. Sa dernière demande de libération déposée en mars 2014 avait été rejetée en novembre par le tribunal d’application des peines. Puis un appel rejeté également.
Les raisons invoquées sont toujours les mêmes. A celles-ci s’ajoutent que le statut de prisonnier politique n’existant pas en France, il est exigé de Georges Abdallah de suivre la procédure habituelle réservée à tout détenu demandeur d’une libération conditionnelle. Soit une semi-liberté d’un an minimum avec un emploi et rentrer en prison tous les soirs, soit le port d’un bracelet électronique. Or il était question d’une libération-expulsion vers le Liban dont il est originaire.
Un décret d’expulsion que Monsieur Valls, alors ministre de l’Intérieur, n’a pas voulu signer en 2013. Et pourtant Georges Abdallah s’est engagé à quitter le territoire français et à ne plus y revenir. Les autorités consulaires du Liban se sont elles engagées à le prendre en charge dès sa sortie jusqu’à son arrivée au Liban.
JK : Comment expliquez cet acharnement des gouvernements français successifs de le maintenir en détention ?
SLM : Les gouvernements français successifs, qu’ils soient de droite comme de gauche, ont une justice de classe que l’on veut nous faire croire indépendante. Au regard des interventions connues et dénoncées des élus étasuniens auprès de nos ministres en 2003 et en 2012, qui n’acceptaient pas la libération de Georges Abdallah prononcée ces deux années-là par les tribunaux, nous n’avons aucune illusion à ce sujet. Dernièrement, Monsieur Urvoas, actuel ministre de la Justice, a donné publiquement Georges Abdallah comme exemple de perpétuité réelle (qui n’existe pas normalement en France…).
Mais voilà, Georges Abdallah ne se renie pas depuis plus de 32 ans. Et le but des démarches judiciaires, est de substituer au prisonnier politique, un docile criminel repentant. Il ne suffit pas que leurs organisations combattantes n’existent plus, ils leur faut gommer de la mémoire collective toute trace qui pourrait faire lien avec une contestation légitime contemporaine. Tant que le prisonnier se comporte en militant révolutionnaire, la justice bourgeoise lui déniera tout aménagement de peine. Et en plus… son principal combat ayant toujours été, jusqu’à nos jours, la libération de la Palestine, on comprend bien pourquoi on le maintient en prison…
JK : Vous lui rendez visite régulièrement à Lannemezan. Dans quel état d’esprit est-il ?
SLM : Depuis 8 ans je le visite régulièrement. J’ai toujours vu un homme debout, un résistant communiste acharné et courageux, intelligent, cultivé, chaleureux, très respecté des surveillants et de ses codétenus, très au fait de l’actualité politique de notre pays, du sien mais aussi du reste du monde, particulièrement là où se déroulent des luttes d’émancipation.
JK : Quelles sont désormais les perspectives de mobilisation pour sa libération ?
SLM : Puisqu’il est vain de penser désormais à une issue judiciaire, la mobilisation à venir doit s’élargir, se renforcer en s’appuyant toujours plus sur un contexte de lutte global. Pour ce faire, il faut unir nos forces et multiplier les actions de façon à renverser le rapport de force et faire en sorte que Georges Abdallah soit, pour ses geôliers à la tête des États, plus encombrant prisonnier que libre. Et nous nous y emploierons.