Né le 2 avril 1951 à Kobayat, dans le nord du Liban, Georges Ibrahim Abdallah a grandi dans ce pays à une époque où la crise structurelle de l’entité libanaise devenait de plus en plus insurmontable. C’est l’époque où pour conjurer tout changement et contrer la radicalisation du mouvement des masses populaires et de la jeunesse, la bourgeoisie n’hésita pas à pousser vers la guerre civile confessionnelle. L’affirmation de la réalité révolutionnaire palestinienne sur le devant de la scène régionale et libanaise a démultiplié la portée des diverses initiatives de luttes sociales fleurissant au début des années 70. A la veille de l’éclatement de la guerre civile de 1975 la crise du système a changé de nature et la portée des enjeux. Les « ceintures de la misère » autour de Beyrouth, les villes et les villages du Sud et les camps de réfugiés aux abords des principales villes incarneront dès lors et pour de longues années les enjeux locaux, régionaux et internationaux du mouvement révolutionnaire…
Cette réalité de lutte, de résistance et de sacrifice a construit la conscience politique de Georges Abdallah et déterminé son engagement révolutionnaire. Tout naturellement, il choisit la résistance face aux massacres de masse perpétrés par les bourgeois confessionnalistes de tout bord et leurs alliés israéliens et franco-américains. La Quarantaine, Naba’a, Tal Azza’atar, Sabra et Chatila et combien d’autres tueries sont restées dans nos mémoires.
Georges Ibrahim Abdallah commence son engagement politique dans les rangs du Parti National Social Syrien (PNSS) pour rejoindre ensuite la résistance palestinienne, en adhérant au Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP). Il est blessé lors de la résistance à l’invasion sioniste du Sud Liban en 1978. Contre la barbarie sioniste et impérialiste États-Unienne, plusieurs organisations de combattants libanais et arabes décident de mener la lutte de résistance en frappant les intérêts impérialistes et sionistes dans le monde entier. C’est le cas des Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL), entrées en action en Europe.
Parmi les principales opérations attribuées aux FARL en France : l’exécution le 18 janvier 1982 du colonel Charles Ray, attaché militaire à l’ambassade États-Unienne et l’exécution le 3 avril 1982 de Yakov Barsimantov, responsable du Mossad et secrétaire en second à l’ambassade sioniste à Paris.
Les autorités françaises arrêtent Georges Abdallah le 24 octobre 1984 à Lyon. Son incarcération est motivée par la détention de vrais-faux papiers d’identité : un passeport délivré légalement par les autorités algériennes. L’État français s’engage auprès du gouvernement algérien à le libérer rapidement.
Georges Abdallah est condamné à quatre années de détention le 10 juillet 1986, pour détention d’armes et d’explosifs. Il refuse le procès mais n’interjette pas appel.
Cependant les autorités états-uniennes exercent des pressions directes sur le gouvernement français afin qu’il ne soit pas relâché. Les États-Unis d’Amérique se constituent partie civile dans le procès et le président américain Reagan en personne aborde le sujet lors d’une rencontre avec le président français Mitterrand. Les pressions sionistes ne manquent pas non plus.
Finalement, le gouvernement français ne respecte pas l’engagement pris auprès des autorités algériennes. Entre temps, en 1985- 1986, des attentats faisant de nombreuses victimes (13 morts et plus de 300 blessés) sont commis à Paris. Ils sont revendiqués par le CSPPA (Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques Arabes). Celui-ci exige la libération d’Anis Naccache(1), de Varoudjian Garbidjian(2) et de Georges Abdallah.
Ces attentats ont probablement été commis par un réseau financé par l’Iran pour faire payer à la France son soutien à l’Irak dans la guerre contre l’Iran.
C’est dans ce contexte, alors que Georges Abdallah est incarcéré depuis plus d’un an, que la Direction de la surveillance du territoire (DST) annonce la « découverte » d’une arme dans un appartement loué en son nom, prétendant que celle-ci avait été utilisée dans l’attentat contre le colonel Charles Ray et l’agent Yakov Barsimantov.
En août 2002, en solidarité avec les prisonnières palestiniennes détenues à Neve Tirza, en grève de la faim pour dénoncer les humiliations quotidiennes dont elles font l’objet dans les geôles sionistes, Georges Ibrahim Abdallah et plusieurs dizaines de prisonniers détenus à Moulins refusent le repas de l’administration pénitentiaire.
En novembre 2003, la juridiction régionale de libération conditionnelle de Pau autorisait sa libération. Sur ordre de Dominique Perben, Ministre de la justice, le procureur général de Pau fait appel de cette décision. La juridiction nationale de libération conditionnelle rend son verdict le 15 janvier 2004, décidant le maintien en prison de Georges Abdallah.
Il présente une nouvelle demande de libération conditionnelle, en février 2005. Le Tribunal de Grande Instance de Tarbes, présidé par le même juge qui avait statué positivement à la première demande de libération en 2003, rejette cette nouvelle demande en septembre 2005.
L’appel de cette décision, introduit par Georges en septembre 2005, est rejeté en février 2006.
Le déroulement de l’examen de sa dernière demande de libération conditionnelle, qui aura duré deux ans et trois mois, est une illustration de l’acharnement judiciaire pour raison politique contre Georges Abdallah.
Le 6 février 2007, Georges Ibrahim Abdallah dépose une nouvelle demande de libération conditionnelle. Après deux reports de date cette demande de libération est refusée en octobre 2007. L’un des motifs évoqués est que Georges Abdallah continue d’être, selon la DST, « une menace pour la sécurité » de la France et que « ses convictions anti-impérialistes et anti- israéliennes sont restées intactes ». Georges Abdallah fait appel.
En décembre 2007 a lieu l’examen en appel de la demande. La décision annoncée une première fois pour janvier 2008 est reportée en avril 2008. Entre-temps la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté entre en application. En avril 2008, la justice décide d’appliquer rétroactivement la nouvelle loi et envoie, en août 2008, Georges Abdallah au Centre national d’observation de Fresnes pour une période de six semaines à l’issue de laquelle une commission pluridisciplinaire devra donner son avis. En décembre 2008, il est notifié à Georges Abdallah que son dossier sera étudié le 22 janvier 2009. Le 8 janvier 2009 l’audience est de nouveau reportée au 26 mars 2009.
Peu de temps avant l’audience, la commission pluridisciplinaire rend son avis, défavorable, au motif que Georges Abdallah « a des convictions politiques intactes et très solides ». Le 26 mars, la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris a finalement réexaminé la demande de Georges Abdallah et a mis en délibéré sa décision au 5 mai 2009.
Le 23 avril 2009, le ministre libanais de la justice, Ibrahim Najjar remet à son homologue française, Rachida Dati, en visite officielle au Liban, un dossier sur Georges Ibrahim Abdallah.
Et les péripéties judiciaires continuent. Le 1 décembre 2009, Georges Abdallah est convoqué à comparaitre devant le tribunal de Tarbes pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement de son ADN à Lannemezan en 2008. Au cours de ce procès des plus expéditifs, Georges rappelle que ce prélèvement biologique avait déjà été effectué en 2003. Verdict : trois mois d’emprisonnement. Georges fera appel.
Le 18 février, Georges Abdallah a comparu devant la Cour d’Appel de Pau et a souligné que son ADN devait être depuis longtemps déjà enregistré par la DST, la CIA et le Mossad. Mais le ministère public a affirmé qu’elles ne figuraient pas dans les fichiers de la Justice a requis la même peine. La décision, attendue pour le 1 avril, a été donnée le 20 mai : la relaxe a été prononcée. Cinq jours après, le ministère public se pourvoit en cassation.
Il fallait certainement éliminer toute possibilité que la décision du 20 mai fasse jurisprudence, afin que cette loi liberticide continue de s’appliquer aux prisonniers, à tout interpellé, à tous les opposants à la soumission volontaire.