Déclaration de Georges Ibrahim Abdallah – 23 mars 2002

Ce jour là, Georges Ibrahim Abdallah a fait une déclaration à l’occasion de la Journée de Solidarité avec les prisonniers palestiniens, déclaration dans laquelle il dénonce les manoeuvres américaines et israéliennes pour étouffer le peuple palestinien.

Camarades,

Cette année la journée de solidarité avec les prisonnièr(e)s palestinien(ne)s tombe en un moment particulièrement difficile pour l’ensemble des forces vives en Palestine : Les hommes, les femmes, les jeunes, les moins jeunes voire les enfants et même les vieillards, ont à faire face aux pires excès de la soldatesque sioniste. Il ne s’agit plus de l’ »habituelle » répression qui frappe les masses populaires et leurs avant-gardes depuis plus de 16 mois d’Intifada el-Aqsa. Il ne s’agit plus de fortes pressions et d’interminables manœuvres américaines et sionistes pour arracher encore et encore des concessions aux représentants du peuple palestinien. Tout laisse supposer que l’on s’achemine vers une bataille décisive où l’enjeu principal est le sort de cette glorieuse Intifada.

Il faut souligner que la dynamique de cette dernière a fini par marginaliser politiquement et isoler presque complètement le courant d’Oslo et ses strates « israéliennisées » au sein de l’Autorité Palestinienne dont les forces de frappe — les divers services de la Sécurité Préventive de J. Rajjoub et M. Dahlan — censées jouer l’auxiliaire de l’armée d’occupation, se sont avérées complètement inopérantes. Certainement, le processus d’Intifada el-Aqsa a provoqué des changements radicaux à tous les niveaux de la société palestinienne. La résistance à l’occupant est désormais le courant dominant dans la rue et au sein de toutes les structures et formations politiques et politico-militaires. Lutter et résister par tous les moyens est aujourd’hui l’incontournable mot d’ordre en Palestine. Aucun homme politique, aucun chef historique et aucune initiative de qui que ce soit ne peut aller à l’encontre de ce mot d’ordre tant que les sionistes occupent encore Gaza et la Cisjordanie. Ce renouveau du mouvement national palestinien et cette ferme résolution de lutter avec tous les moyens imaginables traversent et revivifient toutes les organisations de lutte palestiniennes y compris et principalement le FATH, à savoir la principale organisation qui a soutenu les accords d’Oslo.

De plus en plus, ce courant populaire de résistance non seulement revitalise les organisations combattantes de la gauche historique palestinienne FPLP et FDLP, il se propage aussi et s’enracine dans les rangs mêmes de l’Autorité Palestinienne et ses services de la Sécurité Préventive où on commence à découvrir des sympathisants voire des structures opérationnelles. A ce niveau la transaction d’Oslo de 1993 s’avère, en quelque sorte, un grand échec pour Israël. Cette dernière, ne l’oublions pas, n’a cédé de la place à l’émergence officielle d’une autorité palestinienne bourgeoise que dans la mesure où les services de la Sécurité Préventive pourraient remplir les tâches de l’armée d’occupation.

Certes le compradore palestinien est bien là, infestant toutes les structures de l’Autorité Palestinienne et pesant d’un poids économique écrasant à Gaza et en Cisjordanie. En effet ce compradore est intimement lié, voire exclusivement lié au capitalisme israélien qui a transformé les territoires en une véritable colonie économique protégée contre toute concurrence. Depuis 1994 une véritable fusion sociale s’est produite encore le compradore traditionnel palestinien et les principaux cadres de l’Autorité Palestinienne. La force politique de cette classe nouvellement structurée et intimement liée au capitalisme israélien, se manifeste dans sa croissante influence sur les autres strates sociales bourgeoises et petites- bourgeoises et autres ramifications clientélistes dont les intérêts se trouvent en rapport avec la stabilité de son hégémonie.

Il faut souligner que c’est précisément cette force politique du compradore qui est reconnue et soutenue par les impérialistes américains et européens, et non pas le Mouvement National Palestinien, et bien entendu c’est ce courant qui s’accapare de la principale partie de l’aide officielle arabe et non pas les masses populaires palestiniennes. Ceci étant, force est de constater que les expressions politiques, ainsi que les diverses structures de ce compradore « israéliennisé », n’occupent les postes de commande aujourd’hui que parce que le Mouvement National Palestinien n’est pas arrivé encore à trancher définitivement avec les concessions d’Oslo. Il n’a pas pu encore élaborer un programme politique transitoire qui, en s’appuyant au moins sur les résolutions historiques de la légalité internationale, pose le retrait total et inconditionnel de tous les territoires occupés en 1967 comme cadre non négociable de l’Intifada el-Aqsa. Bien entendu, il doit aussi unifier l’appareil militaire de la résistance, ou au moins être en mesure d’en coordonner les diverses activités et les canaliser au service du mot d’ordre central susmentionné. Il doit mettre tout en œuvre pour l’élaboration, la diffusion et l’adoption populaire d’une proposition nationale démocratique contre celle du compradore et son projet de sous-état dépendant. L’ »Unité nationale » brandie par la bourgeoisie à tort et à travers doit être incessamment bien définie, mettant au pilori toutes les strates de ce compradore « israéliennisé » corrupteur et corrompu.

Camarades,

Entre ces deux principaux courants, celui de la Résistance et celui du compradore, Arafat continue à mener sa barque avec les siens à la tête de l’Autorité Palestinienne, suivant toujours sa traditionnelle politique du double jeu, donnant des garanties aux deux courants antagonistes. Certainement, les structures politico- militaires du courant « israéliennisé » ne tiendront pas sans le soutien d’Arafat ; les Américains le savent bien, les Européens aussi. Si les Israéliens feignent l’ignorer, ce n’est que pour pousser Arafat à sortir de ce double jeu et l’obliger à s’engager contre la résistance suivant la transaction d’Oslo. En fait, tout le monde sait que : 1° La Résistance est le principal courant populaire en Palestine. 2° La nature même de l’autorité Palestinienne dans sa composition actuelle ne lui permet pas de s’attaquer frontalement à la résistance sans perdre toute légitimité. 3° Les accords d’Oslo ne sont plus viables qu’à condition qu’Arafat soutienne ses services de la sécurité Préventive dans la lutte contre la résistance. Suite aux diverses pressions impérialistes, Arafat a appelé effectivement l’arrêt de l’Intifada el-Aqsa et de la résistance lors du discours de l’Aïd. En outre, il a procédé à une vaste campagne d’arrestations d’activistes résistants. Il a fini par arrêter le secrétaire général du FPLP. Il n’empêche que l’Autorité Palestinienne et à sa tête Arafat n’a pas rempli encore tous les engagements selon l’alliance impérialo-sioniste. Les pressions vont donc continuer et bien entendu on peut s’attendre à ce que les masses populaires palestiniennes et leurs avant-gardes fassent l’objet d’une répression encore plus féroce. La solidarité internationale avec les prisonnièr(e)s palestinien(ne)s passe aujourd’hui et avant tout par la solidarité avec la lutte des masses populaires et leurs avant- gardes.

Honneur aux Martyrs ! Honneur aux prisonnièr(e)s résistant dans les geôles sionistes ! À bas l’impérialisme et ses chien de gardes sionistes ! NOUS VAINCRONS !

Georges Ibrahim Abdallah, prison de Moulins, le 23 mars 2002.

Note 1. Un compradore est un bourgeois collaborant avec la puissance coloniale ou impérialiste opprimant son peuple et dont les intérêt économique sont étroitement liés à cette puissance.