Jacques Vergès est l’avocat de Georges Abdallah communiste libanais emprisonné en France depuis 1984. Il a donné le 21 mars 2010 au Music Hall de Beyrouth une représentation de sa pièce « Sérial plaideur ». Une occasion pour lui de parler de la situation de Georges Abdallah au public libanais.
Ci-dessous un extrait de l’article paru sur le site Libnanews.
« … [Jacques Vergès] vient soulever l’audience libanaise, en lui rappelant son confrère, Georges Ibrahim Abdallah, appelant, avec une voix étouffée d’émotions, à sa libération. Georges Ibrahim Abdallah, militant de la cause palestinienne qui entame sa vingt-septième année de prison en France dans l’indifférence générale, a été condamné à la perpétuité en 1987 pour avoir été suspecté de complicité de l’assassinat d’un israélien et de deux américains, mais s’est trouvé libérable depuis 1999, sans avoir pu depuis recouvrer la liberté.
Vergès, qui accuse l’autorité américaine d’empêcher la libération d’Abdallah, a affirmé que tous les prisonniers politiques qu’il a défendus ont eu la vie sauve parce que l’opinion publique était à leurs côtés, et s’est enfin demandé : « Qu’est-ce que l’opinion libanaise attend pour exiger la libération d’un de ses fils qui est en prison parce qu’il a lutté contre l’occupation israélienne au Liban », et de conclure : « Quelles que soient les circonstances, la volonté des peuples a triomphé … Essayez de penser un peu à Georges Ibrahim Abdallah ». »
Publié sur http://liberonsgeorges.over-blog.com le 22 mars 2010
L’article intégral ICI
Libnanews, Beyrouth, le 21/03/2010 – En poussant la porte du Music Hall le soir du premier jour annonciateur de la saison des fleurs, ce n’était ni la musique, ni la danse ni la comédie qui était au rendez-vous, mais bien le cabinet d’un avocat. Oui, un avocat, mais pas n’importe lequel : Maître Verges ou le serial plaideur, qui convertit les procès en tragédie, le défenseur en acteur, le public en jury, sous l’œil bienveillant du maître des lieux, l’empereur du Nowheristan, plaidant en faveur d’une série de représentations politiquement incorrectes.
Au prime abord, se rendre au temple du divertissement beyrouthin pour voir un magistrat, semble une démarche quelque peu saugrenue. Mais une fois le spectacle entamé, un voile se déchire sur le mystère de la plaidoirie et du personnage lui-même chargé d’un passé cossu en combats judiciaires, politiques, et humanitaires. Et l’on comprend pourquoi on est là. C’est surtout pour commencer à s’interroger sur les fondements de la justice-même et sur la différence entre les systèmes de valeurs.
Ayant recours à la littérature classique en citant Antigone, puis s’armant des faits historiques en relatant le procès injuste de Jeanne D’Arc, pour enfin raconter les épisodes diachroniques mouvementés et de sa propre vie, maître Vergès est venu au pays des cèdres délivrer à son peuple des messages de haute importance. En premier lieu, l’être humain peut devenir certes un monstre, mais il ne faut jamais oublier qu’il reste un être humain avec un corps, un cœur, une famille, un passé, et qu’il mérite d’être sévèrement défendu avant d’être sévèrement jugé.
Si l’on se trouvait auparavant outragé par certains crimes ayant marqué l’histoire contemporaine, « l’avocat de la terreur » explique que l’accusé et le juge ont la plupart du temps des valeurs différentes et ne parlent pas le même langage, et qu’à travers la défense de rupture, sa propre technique de défense, il a toujours joui une liberté d’action face au juge que ce dernier n’avait pas. Se vantant de n’avoir jamais eu de client exécuté, le défenseur de l’indéfendable avoue avoir eu le plus de condamnés à mort, et ajoute, sur un air rassuré, n’avoir jamais eu le triste privilège de se voir accompagner un de ses clients à la guillotine.
L’ardent défenseur de Carlos, d’Omar Raddad, de Klaus Barbie, de Slobodan Milosevic, de Djamila Bouhired qui fut plus tard son épouse, vient soulever l’audience libanaise, en lui rappelant son confrère, Georges Ibrahim Abdallah, appelant, avec une voix étouffée d’émotions, à sa libération. Georges Ibrahim Abdallah, militant de la cause palestinienne qui entame sa vingt-septième année de prison en France dans l’indifférence générale, a été condamné à la perpétuité en 1987 pour avoir été suspecté de complicité de l’assassinat d’un israélien et de deux américains, mais s’est trouvé libérable depuis 1999, sans avoir pu depuis recouvrer la liberté.
Vergès, qui accuse l’autorité américaine d’empêcher la libération d’Abdallah, a affirmé que tous les prisonniers politiques qu’il a défendus ont eu la vie sauve parce que l’opinion publique était à leurs côtés, et s’est enfin demandé : « Qu’est-ce que l’opinion libanaise attend pour exiger la libération d’un de ses fils qui est en prison parce qu’il a lutté contre l’occupation israélienne au Liban », et de conclure : « Quelles que soient les circonstances, la volonté des peuples a triomphé … Essayez de penser un peu à Georges Ibrahim Abdallah ».
La plaidoirie soignée du maître a fait voyager l’audience libanaise dans l’histoire contemporaine, dans les grands procès à rebondissement dont le maître a été chargé. Sur un ton tantôt solennel, tantôt émouvant, Vergès raconte ses procès de rupture, sans oublier d’insérer une petite touche d’humour en désignant les assassins du responsable du Hamas à Dubaï de James Bond, et en empruntant la célèbre phrase de Clémenceau « La justice militaire est à la justice, ce qu’est la musique militaire à la musique».
Enfin, sur une note poétique, le rideau rouge se ferme sur le parcours épique de l’avocat qui n’a jamais joué sur du velours. Le spectateur quitte la salle, le souffle coupé, happé par cette vie pleine de convictions, secoué par la kyrielle de causes incomprises, perdu dans le rôle silencieux que lui-même a joué durant le spectacle, se sentant tantôt juge, tantôt accusé, tantôt défenseur. Cependant, il sort avec un esprit sceptique, remettant en cause les dogmes des gouvernements et des esprits béni-oui-oui.
Par Marie-Josée R. Libnanews –, 21 Mars 2010